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Le juge administratif et les ordonnances

S’il appartient aux chambres d’exercer le pouvoir législatif, on a pris l’habitude depuis un siècle de confier partiellement ce rôle à l’exécutif en étendant son domaine d’action. Il s’était agi, dans un contexte difficile, juste après la première guerre mondiale, de voter des lois de plains pouvoirs permettant pendant quelque temps au gouvernement de prendre par décrets des mesures abrogeant ou modifiant des lois antérieures. Cette technique n’a pas été utilisée que dans l’immédiat après guerre. La IIIème comme la Ivème République va fréquemment faire usage de la technique des décrets lois par laquelle, après le vote d’une loi d’habilitation, le gouvernement était autorisé à prendre les mesures nécessaires « nonobstant toutes dispositions législatives contraires ». La validité juridique de ce mécanisme laissait à désirer. Ce transfert de compétences du Parlement vers l’exécutif a pu susciter des interrogations quant on sait que la Constitution affirmait que le Parlement vote seul la loi. La Vème République qui a pourtant si fréquemment pris le contre pied des régimes précédents n’a pas renoncé à faire usage d’un tel transfert en faveur de l’exécutif. Il y a bien sûr l’affirmation dans la Constitution d’un domaine de la loi déterminé aux articles 34 et 37. Il y a aussi dans le texte constitutionnel de 1958 plusieurs dispositions relatives à ce que le nouveau texte appelle des ordonnances, inspirées directement de la pratique antérieure des décrets lois.

Les ordonnances sont notamment évoquées à l’article 38 de la Constitution. Elles permettent au gouvernement « pour l’exécution de son programme » de « demander l’autorisation de prendre… pendant un délai limité des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ».

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Le Parlement va se dessaisir de ses prérogatives sur le plan législatif en faveur du gouvernement. Il ne pourra le faire sans autorisation. Les parlementaires devront lui donner leur accord par une loi d’habilitation. Une fois cette délégation accordée, le gouvernement va prendre des mesures qui, normalement, auraient dû être prisés par les chambres. Mais le transfert opéré n’est que provisoire. Le Parlement retrouvera ses prérogatives sur les domaines concernés. Quant aux mesures prises à la suite de la délégation à laquelle il avait consentie, elles devront, au risque de devenirs caducs, être ratifiées par les parlementaires. Plusieurs questions se posent à propos de tels actes. Quel pourra être le contrôle exercé par le juge administratif sur les ordonnances, c’est-à-dire des mesures portant sur des matières législatives prises par l’exécutif? Quelle peut être son intervention face à l’habilitation et à la ratification données par les parlementaires? Lorsque l’exécutif intervient non pas à la suite d’une habilitation donnée par les parlementaires mais en vertu d’une investiture référendaire, que peut faire le juge administratif? Quel contrôle peut-il exercer sur les mesures ainsi prises par l’exécutif?

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Les ordonnances sont des mesures qui portent sur des matières législatives mais qui sont prises par l’exécutif après en général autorisation de sa part. Le mécanisme des ordonnances comporte ainsi plusieurs phases.

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Les parlementaires seront amenés à prendre d’abord une loi pour autoriser le transfert de compétences, puis une autre loi pour confirmer les mesures prises par le gouvernement. Le recours aux ordonnances implique ainsi une dépossession du Parlement d’une partie essentielle de son rôle majeur, celui de législateur. Le gouvernement va prendre alors diverses mesures en lieu et place du Parlement. C’est une technique qui est engagée sous un contrôle assez approfondi. Le juge administratif peut être amené à intervenir dans le cadre du recours aux ordonnances. Son rôle n’est pas toujours de même nature. Le juge administratif n’a guère de moyens pour intervenir dans la phase législative, au début et à la fin du processus. Le Conseil constitutionnel exerce alors l’essentiel du contrôle nécessaire à l’occasion d’un bouleversement des rôles des grandes institutions nationales. En revanche, sur les ordonnances en tant que telles, c’est-à-dire par rapport à ces actes administratifs pris par des autorités de l’exécutif, le juge administratif assurera un véritable contrôle comme il le ferait vis-à-vis des autres actes administratifs.

En effet, si le juge administratif n’a guère de moyen d’exercer un contrôle sur la mise en œuvre de la procédure des ordonnances et la phase ultime de ratification de ces textes, il exerce en revanche un examen approfondi sur les ordonnances en tant qu’elles sont des actes administratifs.

I- La décision de recourir aux ordonnances et la procédure de leur ratification échappent pour l’essentiel au contrôle du juge administratif

En application de la Constitution de 1958, on peut faire usage des ordonnances, c’est-à-dire procéder à une extension du domaine réglementaire, dans plusieurs hypothèses. Si l’on met à part les mesures éventuellement prises par el président de la République en application de l’article 16, doivent être cités l’article 47, alinéa 3 qui instaure la possibilité de mettre en vigueur par ordonnances le projet de budget en cas de défaillance des parlementaires à voter la loi de finances dans le délai prescrit, l’article 92 qui a permis au gouvernement des débuts de la Vème République de prendre par voie d’ordonnances « ayant force de loi » les mesures nécessaires à la mise en place des institutions et plus généralement les mesures que le gouvernement jugeait nécessaires « à la vie de la nation, à la protection des citoyens ou à la sauvegarde des libertés » et bien entendu l’article 38 qui permet au gouvernement d’intervenir dans les matières législatives pour « l’exécution de son programme ». Le recours à la procédure des ordonnances implique de suivre un processus assez complexe. Comme il s’agit de transférer provisoirement à l’exécutif des compétences qui ne sont pas habituellement les siennes, il est nécessaire que l’intervention du gouvernement soit bien encadrée. Pour s’en tenir aux ordonnances de l’article 38, il faudra au départ que le gouvernement soit autorisé à intervenir. A l’autre extrémité du processus, pour le retour de ces mesures dans la sphère législative, il est nécessaire que soit opérée une ratification. Dans les deux cas, l’autorité législative va devoir être sollicité. Il peut arriver également que l’autorisation donnée à l’exécutif d’intervenir l’ait été par référendum.


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